Le syndrome du boulanger guette-t-il le spectacle vivant ?
9 janvier 2023 par webmaster - Spectacle vivant
par les scénaristes Anne Rambach, présidente de la SACD, et Sophie Deschamps, administratrice Télévision
Il est urgent de se poser la question.
Les Centres dramatiques nationaux, les scènes nationales, les théâtres de ville perçoivent des subventions essentielles à leur existence. Une partie de leur budget est consacrée au bon fonctionnement des structures, à la maintenance, au suivi administratif, à l’entretien des murs, etc. Une autre partie est consacrée à la création : les artistes, la mise en scène, la chorégraphie, les autrices et auteurs, la technique, les décors, etc., autrement dit « le plateau », la scène.
Au commencement de la décentralisation, il était naturel de réserver 60 % des budgets d’un théâtre ou d’une salle à la création et à la diffusion. L’argent public allait donc vers les publics, de tous âges et tous milieux sociaux, via les représentations.
Il était alors évident que le sens de cette profusion d’idées, de gestes, de lumière, de musique, de paroles et de chants, était bien d’aller vers les spectateurs, d’instaurer des ponts et du lien, de provoquer plaisir et réflexion, d’unir les gens par le partage d’une œuvre.
Sans qu’aucune étude ne le confirme, il se dit que cette part est progressivement passée à 30 % puis 20 %. Et aujourd’hui certains lieux n’alloueraient plus que 10 % de leur budget aux dépenses artistiques. Outre le fait qu’il devient urgent d’injecter de la transparence dans le secteur, il est aussi essentiel de flécher les soutiens vers les créateurs et la diffusion.
Les artistes et auteurs ne doivent pas être poussés à la marge.
Avec l’inflation, en particulier celles de l’énergie, la création est menacée. Parce qu’elle n’est pas constituée de « frais fixes », de la masse salariale liée au fonctionnement des lieux, elle est une évidente variable d’ajustement. Elle l’a tellement été jusqu’ici qu’elle promet d’être, si personne n’agit, comprimée au possible.
Les autrices et les auteurs, les artistes, les créateurs risquent bien d’être précarisés et les créations rabougries.
Si cette logique absurde se poursuit, voire s’accélère à la faveur de la crise énergétique, l’argent de la culture ne fera bientôt qu’entretenir des bâtiments. Des lieux sans vie.
La vocation de la culture est-elle d’enrichir les marchands d’électricité, de fuel, de matériaux d’isolation ? Nous disons que non.
Au contraire. La crise qui vient inexorablement doit être l’occasion d’une mise à plat de l’usage des deniers publics sur nos scènes. Parlons-en. Fixons des objectifs à la hauteur de notre ambition culturelle. La part moyenne des budgets dévolue au plateau, à la création et à la diffusion, doit être réhaussée dans les CDN, les scènes nationales et autres lieux subventionnés.
Pour que le spectacle continue…
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Commentaires (6)
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Ah! C’est bien le syndrome du boulanger!
Merci pour La Tribune et l’alarme.
A suivre …
Il est en effet plus qu’urgent de poser cette question… le spectacle vivant est gravement menacé; l’émergence de jeunes talents étouffée dans l’oeuf… la majorité des jeunes artistes vivent dans la précarité…
Cet état des lieux met en danger non seulement la création artistique mais aussi la démocratie… l’art étant aussi essentiel à nourrir l’imaginaire, la réflexion, la joie que le pain à nourrir le corps.
Ces questions peuvent être discutées, partagées lors d’actions médiatiques, des pétitions rédigées…
Yasmin
Bravo et merci pour cet article qui révèle une réalité plus qu’inquiétante et sans faire de langue de bois!
Tout à fait d’accord !
C’est la même chose pour ce qui concerne des institutions faisant travailler des auteurs.
Merci de soulever cette question, cela fait si longtemps que la dégringolade est en cours…
Est-ce qu’une étude confirmant cette indéniable réalité pourrait être enfin réalisée ? Par qui ?
La création de nouvelles lignes de budget exclusivement destinées aux salaires des artistes intermittents pourrait-elle voir le jour ?
Ce mouvement est à l’oeuvre depuis très longtemps. Là il devient visible, paradoxalement au moment de la disparition du budget artistique. Vous parlez des CDN, très bien mais n’oubliez pas tous les autres parents PAUVRES CCN, CDCN et surtout les compagnies indépendantes qui certes n’ont pas de lieux mais des bureaux!