3 films québecquois
23 novembre 2007 par Bertrand Tavernier - Audiovisuel
Plusieurs belles découvertes dans la semaine du cinéma québecquois : CONTRE TOUTE ESPERANCE, deuxième volet de la trilogie – la Foi, l’Espérance et la Charité-, écrit et réalisé par Bernard Emond part de ce qui pourrait être un postulat de mélodrame sur fond de mondialisation et le traite avec une rigueur ascétique, un dépouillement qui élimine tout pathos. Interprétation exemplaire de Geneviève Tremblay. Une séquence extrêmement émouvante : ce dernier moment de travail d’un groupe de téléphoniste – des femmes d’un certain âge pour la plupart – qui viennent d’être licenciées, leur patron ayant vendu l’entreprise et empochant des millions de dollars lors de la transaction. Elles abandonnent leur siège, leurs écouteurs, n’osent pas se parler, à peine se regarder, étouffées par l’angoisse, le chagrin, la timidité. Une série de gros plans de visages « ordinaires » nous poigne le coeur.
Tout aussi fort, CONTINENTAL, UN FILM SANS FUSIL, écrit et réalisé par Stéphane Lafleur pourrait paraître plombant si on lit juste le pitch : un homme va s’évanouir dans la nuit en sortant d’un autobus et cet événement va se réverbérer sur le destin de quatre personnes. Mais le ton de l’une des premières séquences, l’incontournable déclaration à la police, nous prend par surprise. Chacune des répliques du policier, embarrassé incapable de trouver les mots qui conviennent, sonne juste sans jamais être attendue. J’aime tout particulièrement le moment où il demande :  » si on faisait une échelle de dépression allant de 1, Peu déprimé à 10, comment le noteriez-vous ? » – Et la femme, après un long silence, répond timidement : « 2 ». Pour son premier film, Lafleur entrecroise avec brio des solitudes ordinaires, réussissant une chronique où le désespoir feutré est sans cesse contrarié par des dérapages cocasses, des rebondissements incongrus, des échanges décalés. Un jeune vendeur de polices d’assurance (dont le premier client meurt immédiatement) ne parvient pas, par timidité, à refuser l’invitation d’un couple qui veut être regardé en train de faire l’amour. Une réceptionniste, qui a connu un amoureux qui était allergique aux cacahouètes, téléphone à son répondeur pour que ces messages trompent sa solitude. Ce qu’elle fait à un bébé est un des moments les plus surprenants du film. Du Tati scandinave, disait un spectateur. Moi j’ai pensé à Stéphane Brizé.
Enfin RECHERCHER VICTOR PELLERIN de Sophie Deraspe est un véritable ovni. Ce documentaire sur un peintre qui a disparu après avoir brûlé toutes ses toiles commence comme un reportage classique puis se transforme en une enquête policière où l’on va de surprise en surprise. Notamment lors de la rencontre avec un policier qui est le spécialiste, au Québec, des questions artistiques et qui nous apprend que Pellerin a un mandat d’arrêt pour avoir volé des tableaux dans des institutions montréalaises, tableaux qu’il a remplacé par des faux. Le film devient une réflexion sur la mystification, le vrai et le faux avec au passage quelques aperçus décapants lancés par des artistes, des galiéristes célèbres, sur la peinture et ceux qui en vivent. Et des affrontements violents entre les proches de Pellerin où la réalisatrice doit s’insérer. Jusqu’au rebondissement final qui nous entraîne en Colombie; on est saisi par les plans de nature sous la pluie, cette ambiance de guérilla et on se dit que le film nous renvoie avec bonheur aussi bien à Marcel Schwob qu’à Borges.
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