Joe Frank, « Radio artist »
3 octobre 2006 par Yves Nilly - Audiovisuel
C’est Paul Verdier qui m’a fait connaître Joe Frank. Paul est le directeur du Stages Theater Center à Hollywood, un théâtre situé entre Sunset boulevard et Hollywood boulevard, qui a ouvert ses portes en 1982 avec une première mondiale en anglais d’une pièce de Ionesco ! Et, cet été, Paul Verdier a présenté sa mise en scène de Hyenas, de Christian Siméon, au festival d’Edinburgh, après Los Angeles et New York. Ça, ce sont les précisions en forme de coup de chapeau et en signe d’amitié à l’amoureux du théâtre français, et de la radio !
La voix de Joe Frank, ce timbre particulier, velours et métal à la fois, qui vous fait cesser toute activité dès que vous l’entendez. Il a des centaines de milliers d’admirateurs qui ne rateraient sous aucun prétexte ses créations radiophoniques. Un conteur magnifique dans ses monologues obsédants, avec des boucles de musiques hypnotiques, mais également un créateur de formes nouvelles, des collages sonores réalisés à partir de conversations téléphoniques, d’improvisations avec d’autres comédiens ou des passants dans la rue et des musiques et sons divers qui ne trouvent parfois leur sens qu’au montage final en studio.
Pour ses admirateurs, voici presque trente ans que le bonhomme sévit sur les ondes des radios, notamment par le biais de National Public Radio qui fournit ses programmes à plus de 800 radios. Côté écriture, il serait un croisement entre Kafka, Nietzsche, Chandler et DeLillo… Un « short-story writer », un philosophe conteur qui hante vos nuits avec des histoires de sexe et d’amour, de violence et de misère, qui n’hésite pas à passer, en quelques secondes, de l’hilarité à la noirceur totale. Chaotique, comme les bruits du monde.
Vous l’aurez deviné, ses auditeurs sont accros, obsédés, et sans doute que les autres ne le connaissent pas, un point c’est tout.
Francis Ford Coppola raconte qu’il l’a entendu pour la première fois en voiture et qu’il a dû immédiatement s’arrêter sur le bord de la route pour écouter la suite, en état de transe. Il ne rate désormais plus aucune de ses créations, à la radio, sur scène, ou adaptées au cinéma.
Depuis plusieurs mois, Joe Frank, gravement malade des reins, transplanté cet été, réalise une nouvelle série sonore baptisée « The Santa Monica Book of the Dead ».
On se demande ce que donnera sur ce sujet — la maladie, la mort, l’Amérique — son phrasé robotique et possédé et une écriture sans doute plus incisive encore, plus crue.
Si vous voulez à votre tour découvrir Joe Frank, vous pouvez vous procurer ses enregistrements (payants) sur Internet, les principaux liens figurent sur son site personnel. Certains sont gratuits et disponibles sur iTunes, comme le magnifique monologue Escape from paradise. Je citerai aussi Garden of Eden, mais vous pouvez commencer par le petit hommage que lui rend National Public Radio, un montage de 18 minutes disponible sur leur site.
Et de rêver à son équivalent français sur nos ondes, rendant à la création sonore sa pertinence, sa force, sa singularité et sa popularité… Â
http://www.joefrank.com/
http://www.stagestheatrecenter.com
www.npr.org/about/ (National public radio)
Yves Nilly
Administrateur délégué pour la radio
Continuez votre lecture avec
- Article suivant : En sortant de « Winch Only », de Christoph Marthaler
- Article précédent : Elixir de bonheur