Avignon, 26/29 Juillet 2009 : Bloc notes express et coups de cœur.
24 août 2009 par Dominique Probst - Spectacle vivant
Venu en Avignon pour soutenir les deux derniers programmes des « Sujets à vifs » élaborés conjointement par la SACD et le festival et présentés dans le Jardin de la vierge du Lycée Saint Joseph, j’ai eu le plaisir d’applaudir entre autres la remarquable trapéziste suisse Melissa Von Vépy dans Miroir, Miroir (portée par une belle composition musicale live du pianiste Stéphan Oliva) ainsi que la comédienne Dominique Reymond, excellente elle aussi, dans Trois quartiers. Voici maintenant quelques impressions des autres spectacles qu’il m’a été donné de voir dans le In .Et puisque notre cher Beaumarchais a dit un jour « sans la liberté de blâmer il n’est point d’éloge flatteur », je vous parlerai donc sans détours :
- Radio Muezzin, au Cloître des Carmes, est un « théâtre documentaire » dans lequel quatre hommes de prière musulmans originaires du Caire et un technicien se racontent (en arabe avec surtitrages français, anglais) sur fond de vidéos, l’un d’eux se permettant à un moment de roter très fort dans son micro le soir où j’y étais. Pour être franc je m’attendais à mieux côté vocal (!), particulièrement en écoutant le prologue a cappella du spectacle si l’on songe d’ordinaire à la beauté de ces chants – diffusés communément aujourd’hui par les haut-parleurs des mosquées – et l’on est en droit de s’interroger sur le pourquoi d’un tel projet ne comprenant ni auteur(s), ni artiste(s) interprète(s) professionnel(s) .A quand les prêtres, pasteurs, rabbins, popes, moines bouddhistes … ou bien carrément le boucher du coin nous expliquant son quotidien ?
- Oublions Loin, Salle Benoît XII, conçu et interprété par le « danseur vidéaste » Rachid Ouramdane qui, sur le thème de la mémoire, nous inflige un solo de 55 minutes aussi prétentieux que rébarbatif.
- Avec Angelo tyran de Padoue à l’Opéra Théâtre nous assistons en revanche à un vrai grand spectacle dans une mise en scène ultra branchée, certes, de Christophe Honoré mais qui dirige avec talent ses acteurs : Clothilde Hesme, Marcial di Fonzo Bo et Emmanuelle Devos épatants, tout comme le reste de la troupe. La scénographie de Samuel Deshors toute en structures d’acier est superbe de même que la lumière cinématographique de Rémy Chevrin. Dans cette transposition moderne, Victor Hugo fait mouche une fois de plus et l’on s’amuse beaucoup à ce mélo très réussi malgré un petit quart d’heure de trop et une vidéo finale un peu complaisante.
- Si vous êtes plutôt « fête de la bière », alors direction la Cour d’Honneur du Palais des Papes – un’fois! – avec Casimir et Caroline d’Odön von Horvath monté par Johan Simons et Paul Koek. Le texte de la pièce est ici traduit de l’allemand en néerlandais pour être finalement joué phonétiquement en français par des acteurs méritants qui passent leur temps à courir sur le plateau, à crier et à grimper sur un immense échafaudage pendant 2h20 minutes interminables tandis que quatre musiciens nous gratifient d’une sérénade non-stop, genre ambiance sonore de prisunic ou d’ascenseur.
- Enfin, au Parc des expositions de Châteaublanc : Ciels du franco-libanais Wajdi Mouawad, artiste invité du Festival. Là , au milieu d’une boîte blanche rectangulaire comprenant plusieurs aires de jeu, nous sommes témoins des mésaventures d’une cellule anti-terroristes en pleine crise. On se croirait dans une BD façon Da Vinci code ou 24 heures chrono ! Stanislas Nordey – quasi christique – fait un carton entouré par une distribution malheureusement inégale, le tout est assez naïf dans un contexte qui serait pourtant plutôt « prise de tête » mais l’on ne s’ennuie pas (bien que très mal assis sur de petits tabourets pivotants) et le public ravi fait une standing ovation.
Le bonheur existe aussi dans le Off ainsi qu’en témoignent les coups de cœur que j’aimerais maintenant vous faire partager :
- Le premier, intitulé Les Déplaçés au Théâtre du Bourg-Neuf, est un superbe texte de Xavier Durringer qui dénonce la situation des français d’origine étrangère de la 1ère, 2ème et 3ème génération. Construit sous la forme d’un grand poème lyrique allant irrémédiablement crescendo, il évoque les problèmes d’intégration ou plutôt de non intégration : « Un arbre sans racines ne peut pas donner de fruits » clame ici l’auteur d’une manière véhémente. Très intelligemment mis en scène, avec sensibilité mais sans sensiblerie aucune, par Didier Delcroix et joué avec ferveur par trois jeunes comédiens habités (Mohamed Mazari, Yoann Josefsberg et Cléa Petrolesi, lumineuse), ce spectacle mériterait à coup sûr de poursuivre le beau chemin qu’il vient tout juste d’entamer.
- Le second, Motobécane au Théâtre du Petit Chien, est écrit et interprété par Bernard Crombey d’après l’œuvre de Paul Savatier intitulée Le ravisseur .Immense acteur, Crombey nous conte en patois picard l’histoire d’« el tiot Victor » (inspirée d’un fait divers) qui, sur sa mobylette bleue, croise un jour la route d’une fillette de huit ans faisant l’école buissonnière et ne voulant pas rentrer chez elle où sa mère la bat. Cette rencontre finira par le conduire en prison où il n’aura cesse de clamer son innocence et « d’écrire à haute voix » sa vérité. A la fois drôle, tendre et bouleversant, ce spectacle a fait un triomphe en Avignon. Il est actuellement repris pour une série de représentations à Paris au Théâtre du Lucernaire. Un conseil : courez-y vite!
Les aficionados de comédies musicales ont pu découvrir également Bonnie & Clyde de Raphaël Bancou au Théâtre des Béliers, sympathique divertissement qui a reçu le soutien de notre Fonds de Création Lyrique mais qui mériterait toutefois quelques petits aménagements avant sa reprise parisienne prévue, cette saison, à l’Alhambra du 22 décembre 2009 au 17 janvier 2010.
Mon regret – lié à des horaires ou dates incompatibles – sera d’avoir manqué notamment :
La disgrâce de Jean-Sébastien Bach de Sophie Deschamps et Jean-François Robin au Théâtre du Balcon et Le mot progrès dans la bouche de ma mère sonnait terriblement faux de Mateï Visniec au Théâtre des Halles mais on ne peut, hélas, pas tout voir tant les spectacles sont nombreux…Près de 1000 cette année rien que dans le Off !
Pour l’heure, et en attendant le cru 2010, je vous souhaite une très bonne rentrée.
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