De la liberté.
5 septembre 2011 par Sophie Deschamps - Audiovisuel, Spectacle vivant
Sophie Deschamps est présidente de la SACD.
La France défend la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. C’est un combat juste, incontestable. Mais qu’en est-il chez nous ? Montrons-nous l’exemple d’une démocratie libre de toute tyrannie ? Si nous regardons le monde de la création, celui que nous connaissons le mieux pouvons-nous dire que les auteurs sont libres ? Non.
Certes, il n’y a pas de censure officielle, et tous les textes prônent la liberté d’expression. Mais dans les faits, qu’en est-il ? On reproche beaucoup aux auteurs de ne pas être innovants, mais qui parle des multiples petites tyrannies qui imposent, décident, édulcorent, refusent des points de vue originaux, affirment ce qu’il faut écrire ou pas, de ce qu’il faut tourner ou pas ?
Pour une Valérie Donzelli qui a eu la liberté de faire le film qu’elle portait en elle, pour un budget modeste, et qui a réussi magnifiquement, combien d’auteurs s’entendent dire trop risqué, pas assez fédérateur, trop segmentant, trop ironique, trop politique, trop historique, pas assez bankable etc ?
Que faire ? Refuser de plier, tenir sa ligne, aligner les refus ou composer, raboter, obéir à ceux qui prétendent tout savoir des désirs du public ?
Lorsqu’un auteur est accompagné par une production qui croit en son projet, lorsqu’il est porté par un enthousiasme, il n’a qu’un désir : aller plus loin, travailler encore plus, toucher le plus de public possible. Aucun auteur ne refuse une critique constructive, une idée qui permet de rebondir et de faire mieux. Mais quand des avis, voire des ordres, multiples et contradictoires édulcorent, rabaissent, et au final aboutissent à un échec, qui est accusé d’incompétence ? Le créateur.
Le rôle des décideurs et particulièrement celui des chaînes de télévision devrait être de choisir et d’encourager, de faire confiance aux professionnels, de les aider à aller au bout de leur imaginaire, de les soutenir en leur montrant de l’enthousiasme, bref d’avoir une politique constructive envers les créateurs.
Le rôle des politiques devrait être de défendre cette liberté, cette confiance envers les créateurs.
On en est loin.
Chez nos voisins, la fiction nationale est en tête des audiences. Pourquoi pas chez nous ? Ne serait-ce pas parce que la création est bridée ? Ne sait-on pas parler de notre société, raconter notre présent, ou ne peut-on le faire ? Les anglais sont libres de fictionner leur présent, et nous ? Personne ne se demande pourquoi il n’y a quasiment pas de saga sur nos hommes et nos femmes politiques qui ont pourtant des destins riches en rebondissements. Il en va de même sur la plupart des sujets sur notre société qui risqueraient de faire grincer les dents des différents pouvoirs. Le public n’a le droit de voir que ce qui passé aux travers des fourches caudines des différentes hiérarchies, des petites tyrannies.
La liberté nécessite de la confiance en l’autre. C’est cette confiance qu’il faut rétablir et cultiver urgemment.
Sophie Deschamps
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